Lundi, prise de brief client. Il flotte dans l’air cette énergie schizophrène. Le client sait ce qu’il ne veut pas, plus difficilement ce qu’il veut. Soit, être force de conseil est inclus dans la prestation, la pédagogie aussi. Le rendez-vous est pris pour une première recommandation. Les idées fusent, les maquettes s’enchainent. Les enjeux sont bien saisis, le concept jugé novateur, le design séduit. Et pourtant, une petite moue sous la moustache. Soudain, la sanction tombe. C’est un non. Pas un non argumenté, pas un non de l’échec. Un non de principe, accompagné de balbutiements difficilement audibles pour un professionnel. C’est une pensée limitante. Petite verrue sur la main conceptrice, qui rapidement va véroler tout le projet…

Croyances limitantes, royaume de l’auto-censure

Au fil de nos expériences, nous construisons, de manière inconsciente, notre système de croyances. Assemblage de nos ressentis en situation de réussite ou d’échec, cette grille de lecture est alimentée par des convictions que nous échafaudons sur notre propre compte, mais aussi sur les autres. Une sorte de don’t / do, sur lequel notre cerveau s’appuie pour faire des arbitrages. D’un côté, les croyances ressources, qui nourrissent l’envie d’avancer ; de l’autre, les pensées limitantes, qui freinent nos prises de décision.

Terreau du coaching en développement personnel, les pensées limitantes s’étendent bien évidemment jusqu’au couloir du bureau, laissant dans leur sillage le doux parfum de la frustration. Certains, comment l’école de la Nouvelle Pensée, vont même plus loin et soutiennent qu’elles sont aussi le terrain de l’échec. Puisque, loi de l’attraction oblige, si tu penses que tu n’es pas capable de contourner le trou, et bien, tu tombes dans le trou…

C'est exactement la mécanique qui s’opère lorsque les pensées limitantes s’invitent à la table d’un projet de conception. Le client déroule ses non-arguments les uns derrière les autres, tout en refusant d’entendre, voire d’écouter la contre-posture. De phrases en phrases, de fausses contraintes s’accumulent et le sens même du projet s’évapore dans une tempête d’incompréhensions.

Choc des systèmes de croyances oblige, client et prestataire se retrouvent dans un face à face irrationnel où s’opposent deux visions du monde. Un équilibre qui pourrait s’entendre, à une nuance près...

L’un a l’expérience, l’autre n’a que la conviction de.

Petit florilège de pensées limitantes collectées au fil des années, et qui, sans doute aucun, vient alimenter les miennes en la matière…

  • Les gens n’aiment pas ça
  • Mon patron ne voudra pas
  • C’est trop compliqué à faire
  • Les autres ne font pas comme ça
  • Ça va me couter trop cher
  • Je ne peux pas prendre ce risque
  • Je ne peux pas adhérer à une idée qui n’émane pas de moi
  • Ca ne correspond pas à mon marché
  • Mes clients ne vont pas aimer le changement
  • Ca ne changera rien

Fausses croyances, faux positif…

De ces petites phrases ouateuses découlent une multitude d’entraves, poussées sur le devant de la scène par la peur. Peur, qui mène à prendre de mauvaises décisions, qui mène droit à la frustration. Pourtant, comme dit Mamie, la peur n’évite pas le danger. Je dirai même qu’elle le crée. Décryptage de la chocotte mania…

Cas n°1 : la peur du changement

Tu as envie de nouveauté, mais tu as peur d’altérer tes acquis. Donc, tu hésites, tu tournes en rond, tu pioches dans chaque proposition pour faire ton assemblage. Un peu de vieux, un peu de neuf, beaucoup d’incohérences. Tu multiples les allers-retours au fil des prises de paroles de tes démons. Tout cela, prend beaucoup de temps ( à tout le monde !). Tu décides de trancher vif et stopper là. Tu repars avec ton amas de compromis et ton presta, la conviction que ne fonctionnera pas. Résultat, frustration.

Cas n°2 : la peur du risque

Enrobé de tes habitudes, tu peines à imaginer une réalité qui t’obligerait à sortir le museau de ta zone de confort. Tu bloques tellement sur le faire autrement que tu ne vois même plus, qu’en réalité, tu vas faire exactement pareil en plus simple, plus rapide, moins coûteux. Tu es si verrouillé qu’il te faut voir pour projeter, multiplier les comités, recueillir des avis sans valeur ajoutée. Bref, tu n’as pas confiance en l’avenir, la prise de risque te paralyse. Le projet piétine pour de fausses raisons, les mois se succèdent, projet et prestataire font du sur place. Quelque part, ça te rassure. Résultat, frustration.

Cas n°3 : la peur de déplaire

Qu’il s’agisse de défendre une idée auprès de ton boss ou tester un nouveau concept sur tes clients, tu freines des quatre fers. Parce que non, ça n’ira pas. Les gens n’aimeront pas, Jean-Patrick se moquera de toi à la cantine pendant 10 ans, la boîte va faire faillite parce que tu envoies un mailing de test sur 1% de ta base… Mieux vaut faire ce que l’on sait faire. Mieux encore, faisons tout pareil que nos concurrents. Au diable l’innovation, la différenciation ou même l’évolution des usages, nos clients sont déjà clients. Privons-nous de déclencher un effet waouh qui pourrait en séduire de nouveaux ! A la clé, un dupliqua sans saveur avec un tirelire en home parce que tout est bon dans le cochon... Résultat, frustration.

Cas n°4 : la peur d’investir

Trop cher, trop long, trop compliqué. Tu n’as aucune idée des réalités technologiques engendrées par les propositions – ce qui est bien normal. Pourtant, tu multiplies les vétos techniques, privilégiant les solutions toutes prêtes (qu’il faudra désosser pour les mettre à ton goût), les images gratuites (qui devront illustrer toute ta différence), les options qui répondent uniquement à tes contraintes (qui devront contenter le client dans son expérience). Tu perds de vue l’objectif par souci de facilité, voire d’économie. Alors que, entre nous, réfléchir à un écosystème intégrant tes impératifs ne coûte pas plus cher et peut même rapporter gros. Résultat, frustration.

Évidemment face à cette déferlante de pensées limitantes, ton petit prestataire s’affaire à satisfaire son client. Au début, il explique, il argumente, il défend son positionnement. Puis vient le temps, où il décale sa problématique, et cède sans conviction. Enfin, comme toi, il prend un grand bol de frustration.

Parce que l’on choisit ce métier pour démonter, comprendre, réinventer. Pas pour conduire un client à l’échec sur la route du non-sens.

Faire sauter le caisson de tes pensées limitatives...

Heureusement, la loi de l’attraction est là pour nous remettre sur la voie de la positive attitude. Hauts les cœurs, il existe des solutions pour réduire en miettes ces pensées limitantes et regagner en souplesse cérébrale !

Prescription n°1 : prendre conscience

Une fois que tu as intégré le mécanisme de la croyance limitante, tu as fait une bonne partie du chemin. Il ne reste plus qu’à te poser dans un coin et réfléchir au pourquoi du comment. Que redoutes-tu ? Sur quels arguments t’appuies-tu pour justifier ta position ? Comment transformer cette affirmation négative en une vision positive de l’avenir ? Google regorge de bons conseils pour travailler ton mental. La bonne nouvelle, tu vas aussi libérer ton esprit domestique.

Prescription n°2 : faire confiance

En la vie, mais aussi en ton prestataire. Tu as fait appel à un professionnel pour son expertise sur une problématique donnée, accordes-lui un peu de crédit. Soit, tu as besoin d’une petite main pour faire ce que tu ne sais pas faire / n’as pas le temps de faire, auquel cas, tu deviens maître d’œuvre et assumes des directives claires. Soit, tu admets que tu sors de ton champ de compétences, et acceptes de réfléchir aux arguments avancés. Ce qui n’exclut en rien de réajuster les propositions au fil des itérations.

Prescription n°3 : assembler les pièces du puzzle

Changer une pièce influe bien souvent sur l’ensemble de la machine. Fais l’effort de dérouler l’ensemble du processus pour bien maitriser les enjeux, repérer les éventuels freins et identifier les potentiels gains. Procède par itérations, consulte sans te perdre dans trop de considérations, et surtout accepte de tester. Graduellement, successivement, de manière maitrisée, mais teste, apprends. Et, écoute ton intuition plutôt tes peurs. Si ça se trouve, ça fonctionne !...

La force est en toi. Fais-toi confiance, le reste du monde suivra…