Dès lors qu’il s’agit de marketing, BtoB et BtoC sont systématiquement mis en opposition. Les pro avec les pro, les gens avec les gens, chacun gentiment cloisonné dans sa petite case, à s’affairer autour de préoccupations et d’usages radicalement différents. Au cœur de cet argumentaire, la motivation de l’acheteur. L’acquéreur professionnel se voudrait logique, pragmatique, expert. Le consommateur lambda, émotionnel, impulsif, tendance radin. Des traits de caractère qui justifieraient de dérouler, pour les uns, des trésors de créativité destinés à allumer l’étincelle et, pour les autres, une succession de contenus ennuyeux à mourir pour satisfaire leurs hard skills. Une dichotomie qui sous-entend que notre cible, une fois le seuil de son appartement franchi, change de cerveau comme de chaussures. Est-ce véritablement cohérent ? N’est-il pas temps de regarder les choses sous un angle différent afin de nous libérer de cette dualité ?

#1. Une cible mouvante

Comme souvent, tout commence par savoir à qui adresser son offre. Ainsi, si l’on s’en tient au mythe, il y aurait, d’un côté, les acheteurs BtoC, facilement identifiables par centres d’intérêt ou groupes sociodémographiques. De l’autre, les décideurs BtoB, à même d’entériner une décision pour l’ensemble du groupe. Ici, l’on raisonne davantage par fonction pour définir la cible idéale.

En réalité, cibler la bonne audience semble un peu plus confus que cela. Premier frein, une entreprise n’en vaut pas une autre ! Ainsi, il paraît relativement évident que le processus de décision est sensiblement différent dans une start-up, portée par 2 associés, que dans une multinationale employant 500 personnes à travers le monde. Bam, c’est une première frontière qui s’effondre !

À cela s’ajoute une relative complexité dans la lecture des rôles de chacun. Si l’acheteur BtoC est généralement l’utilisateur, ce n’est pas systématiquement le cas dans l’univers BtoB. Ainsi, ici, il faudra identifier et distinguer l’utilisateur, du prescripteur, du décideur. 3 entités qui peuvent se fondre en une comme ne jamais s’adresser la parole !

Selon une récente étude publiée par ThinkwithGoogle, 75% des décideurs d’achat BtoB ne font pas partie de l’équipe dirigeante, 84% n’appartiennent pas à l’équipe achat. Au sein d’une PME, le dirigeant intervient dans plus de 25% des décisions impliquant un achat. Le seuil descend à moins de 10% dans une entreprise grand compte.

Autant te dire que tu as sérieusement intérêt à travailler ton ciblage. Je t’invite notamment à relire ce petit guide des personae afin de bien intégrer à ta stratégie la notion d’anti-personae, qui ici, prend tout son sens…

#2. Un cycle d’achat aléatoire

Autre point de divergence entre marchés BtoB et BtoC, le temps. L’acheteur BtoC serait sujet à l’achat d’impulsion, bien plus que son compère BtoB. Pour preuve, le nombre de recherches effectuées en amont de l’achat : 7 pour les particuliers contre 12 pour les professionnels. (ThinkwithGoogle).

Seul aux commandes, le consommateur BtoC se laisserait aller à des achats irraisonnés, cédant à l’émotion et aux offres alléchantes, tandis que le professionnel maturerait sa décision pendant de longs mois, sans se laisser infléchir par des arguments d’ordre émotionnels.

Pourtant, une étude Mc Kinsey axée sur les facteurs de motivation à l’achat BtoB relate, à parts égales, des déclencheurs rationnels comme impalpables. Ainsi, au même titre que l’utilisateur BtoC, le pro se laisserait convaincre par des arguments tels que la réduction du stress, l’adéquation à une vision, le partage de valeurs socles, la simplicité d’usage, l’impact sur la réputation de l’entreprise, le poids du réseau…

Oublié le temps de la réflexion, nourrit de flux de nuturing à n’en plus finir, le pro est un acheteur comme les autres. Il a, lui aussi, sa sensibilité qu’il serait dommage d’écarter, d’autant que celle-ci est en capacité de raccourcir cet interminable cycle d’achat. Car, là encore, c’est avant tout la structure de l’entreprise et la personnalité de son dirigeant qui influent. Toujours selon Google, 66% des achats BtoB se finalisent en moins d’un mois et 25% en quelques heures à peine. Plus l’entreprise est modeste, plus le circuit de décision est court.

Le véritable défi n’est pas tant de convaincre dans le temps que de prendre le temps de savoir qui convaincre…

#3. Un besoin d’expertise rassurant

En bonne place sur la liste des différences entre marketing BtoB et BtoC, la nécessité d’alimenter la stratégie de content marketing en contenus experts. Là encore, le particulier saurait se satisfaire de quelques explications sommaires, quand le pro aurait besoin d’être gavé d’informations sérieusement sérieuses. Évidemment, tonalité du message et univers graphique à l’avenant, on bosse. On n’est pas là pour rigoler… Dommage.

Mais si au fond, la nécessaire expertise à offrir au pro ne tenait pas à son statut mais plutôt à la difficulté du problème qu’il se doit de résoudre et l’étendue de ses connaissances sur le sujet, bien plus vaste que celle d’un particulier puisqu’il en fait son quotidien. Une optique qui le ferait donc transiter de déesse exigeante à personae en attente d’une solution. Un statut, qui entre-nous, offre une sacrée opportunité de se remettre en position de force.

Plus qu’une contrainte, il s’agit surtout ici de saisir cette chance d’obtenir son attention pour gagner en notoriété et asseoir une certaine réassurance. Seulement, plutôt que d’ériger une stratégie de contenus avec pour objectif une présence grand angle, mieux vaut réfléchir à une diffusion habile des savoirs. Le pro est face à une problématique, il réfléchit à un achat potentiellement assez engageant dans la durée, il est donc prêt à prendre le temps de se documenter. Un temps d’attention sur lequel il est essentiel de capitaliser pour le transformer en échange concret et amorcer la conversation.

Rien n’empêche pour autant de proposer des formats ludiques, interactifs et divertissants pour transmettre une information utile. Il est tout à fait envisageable d’arracher un sourire à ton lecteur, quand bien même il porte une cravate ! Il y a même fort à parier qu’une pointe d’audace, au milieu de contenus maîtrisés, t’offre un joli terrain de différenciation et une opportunité certaine de marquer les esprits.

#4. Une prise de décision induite par le collectif

Enrobé de toute sa rationalité, notre acheteur BtoB se voudrait impartial dans son choix. En réalité, il est probablement bien plus sous influence que notre consommateur lambda, pour qui un achat loupé n’aura qu’un impact limité. Ici, notre professionnel porte la responsabilité de sa décision au sein du groupe. Il est donc essentiel de bien cerner en quoi son choix peut impacter l’ensemble de l’écosystème afin de doser son engagement et ses motivations intrinsèques.

Là encore, il est intéressant de prendre le sujet à contresens pour faire de ce besoin de réassurance une véritable force. Non seulement, il faut le convaincre lui, mais aussi, lui donner la matière pour convaincre le décideur final et lever les éventuelles objections qui se dresseront sur son passage. A nouveau, il est impératif de bien identifier qui a un véritable pouvoir de décision de qui est simple utilisateur, et surtout, comment les deux interagissent et s’influencent.

Selon une étude Nielsen, 84% des achats BtoB débutent sur l’impulsion d’une recommandation personnelle. C’est te dire le poids du réseau et l’impact de la notoriété dans ta stratégie de diffusion des connaissances.

À compter d’aujourd’hui, ta stratégie de content marketing BtoB avancera sur deux jambes : la technicité ET la confiance !... En l’état, 29% des achats BtoB sont stoppés nets par peur des coûts cachés (ThinkwithGoogle). Tu peux donc commencer par creuser l’idée de transparence pour alimenter ton capital loyauté !

#5. Une perception polymorphe de la notion de valeur

Poursuivons le cliché… Non content d’être frivole, notre consommateur BtoC serait très très sujet au prix. Une donnée qui allumerait – ou pas – la merveilleuse lumière du désir au point d’acheter sans réfléchir, à coups de code promo. Entre nous, si c’était vrai, ce serait plus simple et nous verrions disparaître pas mal de marques incapables de justifier leurs tarifs… Bref ! Heureusement, notre décideur BtoB ne serait lui, pas du tout sensible à la notion de tarif. Ce qui explique, sans doute, le coût exorbitant de certaines prestations BtoB…

A moins que… la notion de valeur soit tout simplement radicalement différente. Ainsi, notre particulier raisonnerait en pouvoir d’achat, comptant ses deniers, tandis que notre professionnel s’interrogerait sur la création de valeur générée par l’investissement. Un coût sec contre une dépense utile, tout de suite l’équation est sensiblement différente ! Une différence que tu as tout intérêt à mettre en valeur, voire à matérialiser à l’aide d’outils, tels qu’un simulateur, un calculateur ou tout ce qui permet de mesurer le gain de manière tangible. Gain de temps, gain de productivité, gain pour la planète, gain sur la charge mentale, … autant de variables qui peuvent justifier la valeur du produit, et par rebond, son prix.

Tout n’est pas rose, garde tout de même en tête que le chef d’entreprise est un rapace comme les autres. 29% sont freinés par des tarifs qu’ils ne parviennent pas à s’expliquer. Pour contrer cet effet, deux options. Premièrement, assumer son pricing et faire preuve de lisibilité. Deuxièmement, cibler prioritairement les décideurs qui dépensent l’argent des autres. #ceciestuneblagueoupas

#6. Une relation humanisée

Véritable diva, notre acheteur BtoB a décidément besoin d’être bichonné pour passer à l’action ! Avec toutes ces cartes à poser sur la table, il est également essentiel de tisser rapidement une relation personnalisée. Retour au point 4 et au poids du collectif. Ainsi, pour se faire prescripteur, notre target a davantage besoin d’être accompagnée. Plus l’impact de sa décision pèsera lourd sur l’écosystème ou les habitudes de ses collaborateurs, plus il sera en position de devoir défendre ce choix. Une dynamique qui va générer des questions. Beaucoup de questions.

Et c’est là que tu devras mettre le paquet pour soigner ta relation. Si tout commence par l’acculturation au travers des contenus, il te faudra remonter patiemment le tunnel de conversion jusqu’à l’échange humain. 66% des dirigeants se disent prêts à contractualiser en full digital (Mac Kinsey). C’est bien, mais il en reste près de 4 sur 10 à convaincre en face-à-face. Bonne nouvelle, 49% estiment désormais qu’une visio ou un échange par chat fait le job tant qu’ils obtiennent une réponse à leur question. Une FAQ bien pensée peut également aider à transiter entre contenus froids et relation personnalisée avec le Support Client.

#7. Un calcul axé sur la valeur de vie

Ultime différence de ce passionnant tableau, le coût d’acquisition client. La légende veut que le prospect BtoC coûte bien moins cher que le prospect BtoB. Le particulier exigerait de tailler dans la masse, et donc de générer du volume pour assurer un seuil de conversion minimal, en flux quasi tendu. À l’inverse, le profil BtoB, paré de ses multiples datas, serait ciblé si finement que son CPC toucherait le plafond. Une théorie qui fait le gras des marchands de leads mais qu’en est-il vraiment ?!

Ne peut-on pas tout simplement imaginer que la valeur du client est radicalement différente et que tout repose sur le modèle économique ? Ainsi, un prospect BtoB qui déboucherait sur l’installation d’une solution tech, facturée 1000€/ mois et installée si profondément au cœur du système qu’elle est quasiment indéboulonnable serait générateur d’une valeur nettement plus grande que l’achat – si impulsif soit-il – du dernier gadget high tech. Mathématiquement, le budget dispensé sur l’acquisition du prospect à 1 million de dollars autorise à investir dans des leviers aux tarifs démentiels.

A nouveau, plus qu’une scission entre BtoB ou BtoC, c’est ici une question de bon sens et de rentabilité qui fait la différence. Plus le client est susceptible de générer de valeur et de récurrence, plus ta capacité d’investissement en acquisition est importante. Une nuance que nombre d’entrepreneurs BtoC ont d’ailleurs bien cernée en imposant un modèle à l’abonnement à des produits jusqu’alors commercialisés sur le principe de l’habitude. Mais c’est un autre sujet…

Tu l’auras compris, les différences ne sont pas toujours celles que l’on croit. Plutôt que de t’appliquer à segmenter BtoC ou BtoB et t’enfermer dans des pensées limitantes, tu as tout à gagner à chercher à comprendre ta cible, son fonctionnement, ses enjeux pour mieux t’insinuer dans son process de décision. Car, en cravate ou en sweat, c’est bien le même cerveau qui va trancher, en appui sur ses schémas, ses valeurs, ses usages.